The words you are searching are inside this book. To get more targeted content, please make full-text search by clicking here.

Les socles de l’histoire sont les œuvres d’art qui ont vu le jour pendant les périodes de crises. Elles permettent entre autres de créer la mémoire des pays, de devenir des témoignages et de retranscrire ses épisodes douloureux comme les guerres. La parole ne se voulant pas poétique, elle peut le devenir. Ce sont également des moments où un manifeste peut devenir une œuvre d’art. « L’art peut-il réparer l’histoire » ? Adeline Blanchard

Discover the best professional documents and content resources in AnyFlip Document Base.
Search
Published by interface.art, 2016-06-12 12:38:57

HDO_32

Les socles de l’histoire sont les œuvres d’art qui ont vu le jour pendant les périodes de crises. Elles permettent entre autres de créer la mémoire des pays, de devenir des témoignages et de retranscrire ses épisodes douloureux comme les guerres. La parole ne se voulant pas poétique, elle peut le devenir. Ce sont également des moments où un manifeste peut devenir une œuvre d’art. « L’art peut-il réparer l’histoire » ? Adeline Blanchard

Keywords: Les socles de l'art, enregistrement de la parole ou la réponse de l'autre, Julien Blanpied, Le médium et le message, Nicolas-Xavier Ferrand, Language, Barbara Sirieix, Histoires manquantes, Aurélien Pelletier, Eléonor Antin, Eléonora Antinova, Clotilde Morette, Fader Attia, l'art peut-il réparer l'Histoire?, Adeline Blanchard, Romantique Johnny, Jean Alain Corre, Franck Balland, Latifa Laâbissi, témoignage, Martine Le Gac, Jean-Yves Jouannais, l'encyclopédie des guerres

le journal de l’art contemporain, oct. 2013 - mai 2014HORSD’OEUVRE
dijon ® bourgogne ® france ® europe ® ... www.interface-art.com

n°32 LES SOCLES
DE L’ART

Couverture :
B.B.B.D.P. 5/1 (The bit by bit drawing power)
© Olivier Nerry, octobre 2013

L’enregistrement de la parole est destiné à d’éventuels êtres extraterrestres qui pourraient le
ou la réponse de l’autre trouver. Tout un symbole. Parmi les enregistrements, ceux du
mot « Bonjour » dans une multitude de langues, des extraits
« L’encyclopédie de la parole » est un projet collectif initié construction : dans « cadence », on peut passer d’une de textes littéraires et une sélection musicale issue de
en 2007 par les Laboratoires d’Aubervilliers. Il réunit des Tahzzabt récitée par un chœur berbère du Haut-Atlas à un différentes cultures et époques (Bach, Beethoven, Mozart
poètes, musiciens, commissaires d’expositions, artistes, extrait d’un cours sur le Biopouvoir prononcé par Michel évidemment, mais aussi une chanson aborigène d’Australie,
producteurs, constituant une sonothèque originale : poésie Foucault au Collège de France. On peut poursuivre avec un des percussions du Sénégal, un chant d’initiation d’une fille
sonore, clashs télévisuels, documents ethnographiques, extrait d’une déclaration à la presse en marge du procès Pygmée du Zaïre, Johnny B. Goode, écrit et interprété par
séminaires de philosophes, interviews, enregistrements Clearstream (2009) de Dominique de Villepin, ralentissant Chuck Berry, de la flûte de Pan et tambour du Pérou…). La
personnels, extraits de films… régulièrement le rythme de sa prose, hachant les mots, NASA a nommé un comité de sélection afin de constituer le
« L’idée de départ était de rapprocher des paroles artistiques découpant syllabes sur syllabes pour finalement s’envoler contenu du disque. « E.T. voici ma compile ». On repense
et non artistiques, la poésie comme la parole quotidienne, et dans une tirade dont il a seul le secret : « Nicolas Sarkozy également aux préoccupations d’un John Giorno, désireux de
de montrer comment des phénomènes qui ont des intentions avait promis de me pendre à un croc de boucher. (silence) Je rendre la poésie accessible à la culture de masse, de mêmes
d’art, poétiques ou théâtrales, peuvent se retrouver dans des vois que la promesse a été tenue ». On peut également des enregistrements continus du réel avec le travail visuel et
types de parole qui à l’origine n’ont pas ces intentions-là. Par écouter les psittacismes d’une liturgie catholique, extrait de sonore effectué par Jonas Mekas, qui résonnent comme des
exemple, dans l’émission de Thomas Baumgartner, nous l’émission La Messe sur France Culture en 2011 qui offrent un figures tutélaires. Le projet n’est pas sans évoquer également
avons fait entendre un commissaire-priseur américain qui a troublant écho à l’extrait de la cérémonie d’investiture de l’exposition d’Harald Szeemann « Quand les attitudes
une parole incroyable, très ciselée, mais qui ne se revendique Barack Obama en 2009 (I, Barack Hussein Obama). En deviennent forme » en 1969 4. Le commissaire de l’exposition
pas comme étant artistique. C’est ce genre de ayant uniquement les sons, l’auditeur se concentre plus nota dans le journal qu’il tenait : « Plus les artistes arrivaient,
rapprochements qui nous intéresse. » 1 facilement sur la scansion et la structure des mots, sur la moins nous faisions de choses. La Kunsthalle est devenue un
Cadences, intonations, mélodies, timbres, accentuations, ponctuation et notre capacité de fabriquer des images à forum de discussion, un lieu de rencontre ». Pour Harald
répétitions, chacun des tons est indexé et cet ensemble donne l’écoute d’orateurs, personnalités charismatiques et locuteurs Szeemann, la fabrication d’une exposition est basée sur une
lieu à des performances, expositions, articles, jeux (sur le plus ou moins habiles. On peut penser ainsi au sémillant Julien intuition personnelle appelée « intention intensive », pas sur
principe du blind-test) et surtout un site Internet Lepers dans une lecture de question de l’émission Questions l’histoire de l’art, ni l’esthétique. L’art est une attitude, cela
(http://www.encyclopediedelaparole.org), devenu la pour un champion, cherchant à faire découvrir la célèbre peut arriver partout, pas nécessairement dans un musée ni
plateforme d’écoute de la collecte. avenue parisienne des Champs-Élysées… jusqu’aux dans une institution. Szeemann a dit que nous nous figurions
Chorale, par exemple, est un ensemble vocal parlé qui spectaculaires diérèses respectées à la lettre de Fabrice toujours le passé à travers ses objets, son style. Maintenant,
interprète ponctuellement le répertoire de l’encyclopédie de la Luchini, s’émancipant de son cadre attribué avec la force et nous verrons le passé à travers son intensité.
parole tandis que Parlement est un solo pour une actrice l’humour qu’on lui connait. « Ce sont ces moments-là qui nous C’est sensiblement la même énergie que nous retrouvons dans
composé d’extraits de la même base de données. Ces intéressent, à la radio comme ailleurs : quand la parole la sélection de l’Encyclopédie de la parole, une attention
enregistrements ont fourni la matière d’une écriture théâtrale devient saillante, sort du cadre ou de l’ordinaire, quand il y a éveillée de noter l’élargissement du domaine de la parole via
particulière, procédant par montage d’une composition quelque chose qui sort de l’étalon de parole. » 3 poursuit Joris les réseaux sociaux et les plateformes de vidéos devenues
sonore. « En faisant se succéder une centaine de voix à Lacoste, l’un des membres du collectif, artiste protéiforme, caissons de résonnance mondiale. Cette encyclopédie
l’intérieur d’un même corps, celui d’Emmanuelle Lafon, metteur en scène, dramaturge, auteur, artiste plasticien. La parvient dans le temps et la diversité de ses choix à formuler
Parlement génère un discours transformiste et poétique, parole, et notamment les formes qu’elle peut prendre, reste l’épistémè de la parole d’une époque, chacune de ses prises
traversé par la diversité de la parole humaine » 2. son matériau de prédilection. Dès ses premiers textes de de paroles, de ses prises de positions renvoie à une façon de
La démarche artistique consiste à se mettre en quête de théâtre et de radio, dès ses premiers spectacles, il opère des penser, de parler, de se représenter le monde, qui s’étendrait
figures et d’événements connus ou méconnus, oubliés ou translations, il triture la voix et le verbe, sa forme, son sens et très largement à toute la culture, de « faire le tour de la
volontairement passés sous silence, ultra-médiatisés ou sa fonction. question » pour revenir à l’étymologie du mot encyclopaedia.
phénomènes de société. Au gré de ses différentes rencontres « Ce que je cherche dans la parole, c’est la réponse de
et découvertes, le collectif accroit sa base de données et Il y a dans cet essai la volonté d’aller plus loin que la simple l’autre. » 5
documente de manière inédite et lacunaire un pan de notre sélection « sonore » du Voyager Golden Record. Ce disque a L’Encyclopédie est en train de trouver une réponse…
monde « sonore », réunissant des « genres » de parole. embarqué à bord des deux sondes spatiales Voyager (1977).
Chaque entrée sémantique mène à un corpus Il contient des sons et des images sélectionnés pour dresser un Julien BLANPIED
d’enregistrements aussi inattendu que pertinent, toujours en portrait de la diversité de la vie et de la culture sur Terre, et
1. Joris Lacoste dans http://www.syntone.fr/article-la-parole-au-centre-entretien-
avec-l-encyclopedie-de-la-parole-67707365.html
2. Idem.
3. Idem.
4. LIVE IN YOUR HEAD: When the Attitudes Become Form. Works, Concept,
Processes, Situations, Informations (Kunsthalle Bern, 1969).
5. Jacques Lacan, Écrits, Édition Seuil, 1966.

Le medium et le message

* Ce texte n’a, à dessein, pas de cohérence interne. dans les grandes lignes, échoué à révolutionner le monde et peuvent tout au plus
Les artistes ont parfaitement compris que « medium is the message » : être considérées comme les collaborateurs secondaires de mouvements bien plus
vastes. Rédiger un texte qui prévoit par avance ce que l’on doit faire induit une
1. À l’heure de la postmodernité, de l’altermodernité ou de l’hypermodernité, selon moralisation de l’acte artistique et une subordination de la pratique à la loi, qui cadre
les humeurs, ils ne veulent plus s’enfermer dans une théorie, un programme écrit mal avec l’état d’esprit ultramoderne plutôt tourné avec la réaction au monde et le
noir sur blanc, simplement annoté et amendé au fil du temps. Les créateurs pragmatisme – je schématise, bien entendu.
contemporains évoluent dans un espace-temps mobile et doivent eux-mêmes faire
preuve de mobilité s’ils veulent rester pertinents quant au monde dont ils 3. L’époque, aussi, est aux intermédiaires. L’écrit, et par extension le logos, est
souhaitent parler. Le temps des moines stakhanovistes façon Opalka et Buren devenu la chasse gardée de toute une foule d’intercesseurs qui cherchant, à exister
semblent, pour le meilleur et pour le pire, révolus. Les artistes, devenus par eux-mêmes et à sortir de l’ombre des seuls indispensables, firent acte de
multimédias, déclinent leur vision selon plusieurs plateformes. Le cas d’un jeune propriété sur la rédaction. Bien des artistes s’en trouvent soulagés : fournir un
artiste comme Alex Israel est de ce point de vue parlant, puisque l’essentiel de son texte revient pour beaucoup à admettre que l’œuvre est insuffisante, dépendante
travail est délivré par une websérie, des interviews de stars (c’est lui qui pose les d’un adjuvant, se séparant ici d’un des constituants de l’ADN de l’art contemporain,
questions), des peintures représentant des couchers de soleil (qu’il n’a du reste la sacro-sainte autonomie.
pas réalisées lui-même) et une marque de lunettes de soleil. Dès lors, la lecture de
son œuvre est à faire en creux, en négatif, sans pour autant que la cohérence de 4. Les artistes ont cessé de revendiquer la propriété absolue du sens de leur œuvre
l’ensemble échappe au récepteur. Des personnages surfeurs, des has-been sur le et ont parfaitement compris que laisser travailler les tiers, c’est aussi laisser éclater
retour parlant de leur mode de vie, et l’accessoire-clé du style de vie californien, le sens. Dans un monde ultra communicationnel, dont les mots-clés sont « open
associés aux peintures abstraites/décor de cinéma chacun des surgissements de source », « shareware » « réseau social », autoriser l’appropriation de sa propre
l’artiste est comme une note de musique qui toutes assemblées forment un accord œuvre par d’autres est un enjeu contemporain capital, une obligation tacite. Ceci
parfaitement compréhensible. L’artiste a simplement choisi de laisser son travail peut être envisagé comme une conséquence du travail critique fourni par les
parler pour lui. artistes eux-mêmes. Duchamp et Warhol ont notamment établi que la part de
responsabilité de l’artiste dans la création d’une œuvre d’art était sérieusement à
2. Il s’agit pour eux de se protéger à la fois de l’emprise des anciens, mais aussi du reconsidérer. Le premier prenait acte du caractère conventionnel, programmatique
ridicule de l’Histoire. Écrire des manifestes, faire du texte une œuvre d’art, placarder de l’art, mais aussi du fait que l’artiste n’est en rien totalement libre, ni totalement
son avis à des fins politiques et sociales. Tout cela semble bien académique aux créateur. Le second pensait que l’artiste étant le produit de son temps, même l’idée
dernières générations qui se reconnaissent peu dans cet engagement total de à l’origine de l’art ne peut être revendiquée comme propriété de l’artiste, celle-ci lui
l’artiste. Les déclarations des artistes théoriciens avaient souvent valeur de ayant été soufflée par l’air du temps, ou bien des tiers en chair et en os. Dès lors
prophétie. Kandinsky, Marinetti, Mondrian, Weiner, Atkinson, et Kosuth, d’une la figure du démiurge, faisant surgir l’or du néant, n’a pas plus cours et semble être
certaine manière, avaient chacun l’ambition de faire bouger les curseurs, d’influer le relent désuet d’une époque terminée de l’art. L’artiste, au somment du triangle
sur la société. À une époque caractérisée par le pessimisme et le relativisme, écrire de Kandinsky, est descendu de son piédestal et a retrouvé sa qualité d’homme
une bible peut sembler hors de propos, même lorsque l’on pense que l’art est en comme les autres.
demeure de proposer l’inattendu. Force est de constater que les personnes
susmentionnées, si elles ont laissé un tatouage indélébile sur la peau de l’art, ont Nicolas-Xavier FERRAND

2

Langage à être regardé et/ou choses à être lues *

Monuments, Redmond Entwistle, 2010, Courtesy of Redmond Entwistle and LUX, Londres fréquenté à la fin des années 90. Il a interviewé d’anciens participants du cours puis a fait
rejouer les textes par des acteurs en recréant un Post-Studio fictif. Ces plans sont montés avec
Les derniers projets filmiques de l’artiste Redmond Entwistle observent, entre documentaire des images d’archives de CalArts et de la classe de Asher reprenant une forme de
et fiction, le tournant vers le langage à partir de la fin des années 60 en déconstruisant les documentaire stéréotypé (mouvement de caméra dans les images, voix off dramatique)
monuments, agrégats des sédiments de l’histoire, qu’il s’agisse des artistes, de leurs rappelant vaguement le style des Hollywood stories.
productions ou de leurs discours. Cette recherche émane « d’un désir de comprendre notre Les films précédents d’Entwistle sur Belfast (Belfast Trio, 2009) ou sur le New Jersey (Paterson
obsession, la mienne incluse, pour les documents de pratiques éphémères et la nature de – Lodz, 2006, Skein, 2008) tendent à dévoiler des aspects structurels de territoires
cette nostalgie » 1. géographiques spécifiques. Dans Monuments, il s’agissait de montrer la réitération du récit
Monuments, réalisé en 2010, ramène d’entre les morts Robert Smithson, Gordon Matta Clark moderniste dans cette recherche de l’authenticité dans les marges, de la périphérie urbaine
et Dan Graham. Nous les suivons dans une déambulation dans le New Jersey où ils discourent vers le centre. Dans Walk Through, le territoire a été conçu en fonction de ses structures
ou discutent. Leurs paroles proviennent de leurs propres textes et interviews. Des plans des idéologiques. L’école CalArts a incarné à ses débuts l’utopie d’une nouvelle approche
livres cités passant au Xerox sont montés en parallèle au début du film ; une manière de pédagogique des pratiques artistiques, marquée par la volonté d’abattre les hiérarchies
signifier au spectateur que les paroles prononcées appartiennent au discours sur l’art. entre les étudiants et les professeurs, en particulier dans la classe du Post-Studio. Le film
Redmond Entwistle met en place un dispositif qui permet une mise à distance avec la démontre, à travers les témoignages, comment, finalement, les structures de pouvoir se
dimension mythique des artistes et de leur discours révélant la narration en palimpseste sur recréent inévitablement. Walk Through a une portée plus politique, traitant de manière
le New Jersey. Le jeu de la résurrection est accentué par des artefacts parfois peu frontale les questions du rapport entre langage et pouvoir et de la reproduction sociale.
convaincants (la perruque de Robert Smithson en particulier) qui posent d’emblée les acteurs Une certaine mythologie s’est développée autour du cours de Michael Asher. Or, à travers
en caricatures. L’affectation de la déclamation des textes écrits, en décalage avec la le recours à des points de vue variés, le film renvoie à une réalité concrète du Post-Studio,
banalité du paysage suburbain traversé produit un effet comique, en particulier lorsque, sur un cours où les artistes développaient leurs compétences rhétoriques. Le dispositif de «
leur chemin, des quidams (une femme promenant son chien par exemple) prolongent la reenactment différé » de la parole révèle la monumentalité potentielle du discours. Entwistle
discussion avec la rhétorique des critiques d’art ayant interviewé les artistes. explore les limites du dispositif de Asher dans un contexte de productivité et de compétitivité
Le film dessine au delà du discours une cartographie à la fois concrète et spéculative du où le langage devient une compétence porteuse de valeurs.
New Jersey par le croisement de leurs trois perspectives. Redmond Entwistle a travaillé Ainsi Monuments et Walk Through génèrent de manière non linéaire une histoire de
plusieurs fois sur le New Jersey ; il partage avec les artistes invoqués un double rapport l’Histoire de l’Art à travers les sous-textes de la grande Histoire moderniste, dans la
critique et intime avec ce territoire (ses grands-parents y habitent) ; Robert Smithson y est né perspective d’une échappée à l’autorité du discours. Redmond Entwistle questionne les
et Dan Graham y a grandi. Or, comme Gordon Matta Clark, originaire de New York, leur représentations de la mémoire en jouant avec des procédés proches du reenactment. Le
travail sur ce territoire émanait d’un intérêt spécifique pour les dynamiques urbaines, entre reenactment est une manière de remettre en mouvement l’histoire à travers le corps. Il ne
centre et périphérie. s’agit pas pour Entwistle de performances rejouant un événement mais plutôt d’un processus
Walk Through (2012) est une prolongation du questionnement sur le discours. Entwistle de réappropriation entre documentaire et fiction. Le processus cognitif est comparable :
prend pour sujet le mythique Post-Studio de Michael Asher à CalArts qu’il a lui-même remettre en scène des éléments de l’histoire est une manière de la relire, comme il ne reste
que les corps figés de l’histoire, les monuments, masses immatérielles devenant sculpturales.
La radicalisation linguistique des années 70, clairement énoncée dans le terme « Post-
Studio », a induit l’appropriation de la critique par les artistes. À partir de là, et dans un
contexte de pratiques de plus en plus immatérielles, le discours s’est fait de plus en plus
concret et matériel, le document s’étant élevé au statut de monument.

Barbara SIRIEIX

* Traduction du titre du communiqué de presse de l’exposition à la Dwan Gallery en juin 1967 « LANGUAGE to be
LOOKED at and/or THINGS to be READ » écrit par Robert Smithson, un texte ayant valeur de manifeste sur le statut
du langage dans l’art, signé du pseudonyme « Eton Corrasable », référence à un type de papier machine effaçable.
1. Citation de l'artiste.
Redmond Entwistle est un artiste né en 1977 à Londres. Il vit et travaille à New York.

Histoires manquantes

Traiter de faits historiques et politiques dont la préparation de son travail. De la même Mathieu Kleyebe Abonnec, Ça va, ça, on continue, 2012, double projection synchronisée, son, HD, 28’40’’
les participants sont pour certains toujours manière que ce dernier, il s’agit d’épuiser le
en vie nécessite une pleine maîtrise de ses sujet choisi, d’en faire suffisamment le tour être prises ou enregistrées, celles que notre l’Histoire a l’avantage d’impliquer plus
outils. Cela signifie également s’exposer pour être libre ensuite afin de lui donner la mémoire collective n’a pas retenues, celles fortement le spectateur en offrant un meilleur
aux critiques sur les plans artistiques autant forme voulue. C’est à partir de là que le que l’on s’interdit de montrer par pudeur ou potentiel d’identification. L’artiste, quant à lui,
qu’historiques. glissement vers l’œuvre peut s’opérer. MKA souci de l’autre… ». MKA exhume, crée ou se retrouve plus libre d’utiliser son matériau
s’intéresse à l’Histoire quand elle commence à masque volontairement ces images. C’est ici comme il le souhaite.
Dans son film Ça va, ça va, on continue lui « résister », lorsque les faits ne suffisent que l’artiste, à l’inverse du chercheur, est libre On reproche parfois à MKA d’user de
(2012), Mathieu Kleyebe Abonnenc plus à créer du sens, ou lorsqu’ils viennent de se déporter. En choisissant une narration et didactisme. Loin de s’en défendre, il
s’interroge sur la place donnée à la parole et simplement à manquer. Les faits sont ici ceux une esthétique propre à son objet, il le place revendique en partie la valeur pédagogique
à ceux qui s’en servent, du témoignage à de l’exercice du pouvoir colonial et de la lutte en dehors des purs faits que présente dont peuvent se charger ses travaux. En
l’exposé de l’historien en passant par la mise armée des peuples pour s’en défaire. l’historien pour l’orienter vers sa destination cherchant à réhabiliter une Histoire peu ou
en scène. Un jeune historien portugais, ici le L’artiste s’emploie à remplir les creux aussi logique, le lieu d’exposition. pas connue, il tente d’informer le spectateur
double de l’artiste, est notamment présenté bien qu’à créer des vides. En témoigne L’Histoire sur laquelle s’appuie MKA est d’événements absents ou tronqués des
dans un amphithéâtre devant un auditoire Préface à des fusils pour Banta (2011), un également indissociable de son expérience manuels scolaires ou des médias. De plus, ses
majoritairement noir. À la fin de son exposé diaporama enrichi de trois voix off, qui se personnelle et familiale. Né en Guyane, il se matériaux de base comme le cinéma et les
les critiques commencent à pleuvoir. On lui présente comme la préface d’un film réalisé trouve pour la première fois à 15 ans revues militantes de l’époque ont pour
reproche de parler de manière exclusive d’un par Sarah Maldoror dans les années 70 en confronté au déplacement obligatoire vers la fondement même des principes didactiques
« Autre » qu’il ne connaîtrait pas et dont il Guinée-Bissau pendant la guerre métropole s’il veut poursuivre ses études. Ses qui leur permettent de diffuser leur
usurperait la parole. Tous les textes du film d’indépendance contre les colons portugais. œuvres se ponctuent d’allers-retours entre le propagande. L’artiste se permet d’ailleurs
sont en fait tirés d’ouvrages théoriques et Le gouvernement algérien, alors cercle familial et les faits historiques. Il expose d’en jouer presque ironiquement quand il
littéraires, dus à des auteurs tels que Bell commanditaire, décide de confisquer les ainsi à l’occasion de « Kannibalen » au nomme son exposition à la galerie Marcelle
Hooks, Trinh T. Minh-Ha ou Pepetela, mis en bobines dès le premier visionnage et le film Kunstverein de Bielefeld en 2013, des vues de Alix à Paris en 2011 : A minor sense of
fiction pour l’occasion à travers les scènes de disparaîtra avant d’avoir été terminé. À l’inventaire d’objets africains appartenant à didactism.
vie des deux personnages principaux. Ici la l’inverse, la série de photographies At the son grand-père, l’entomologiste Émile
mise en abyme est totale. MKA parvient à hands of persons unknown, (2004/2007) Abonnenc. Cette manière de mettre en récit Aurélien PELLETIER
réunir dans son film la plupart des composants représente des lynchages où les scènes
qui ont constitué sont travail jusque-là. d’horreur sont occultées, ne laissant voir que
L’Histoire d’abord ; le film s’ouvre sur la les éléments environnants. Une des quêtes de
répétition d’une pièce de théâtre interprétée l’artiste pourrait bien être celle de « l’image
par des adolescents qui rejouent des épisodes manquante ». En octobre 2011, Dork
de la guerre d’indépendance de l’Angola. Le Zabunyan ouvrait au BAL, à Paris, un
travail de recherche ensuite, et avec lui séminaire sur ce sujet. Dans le texte
l’histoire personnelle, puisque l’artiste se met d’introduction nous pouvions en lire cette
en scène à travers le personnage du définition : « (…) Encore faut-il distinguer
chercheur. Les socles théoriques enfin, avec plusieurs espèces d’images manquantes : les
ces extraits de textes empruntés à des auteurs images qui n’ont jamais existé, celles qui ont
que l’on imagine fondamentaux pour lui. existé mais ne sont plus disponibles, celles qui
L’artiste endosse la casquette d’historien pour ont rencontré trop d’obstacles pour pouvoir

3





Eleanor Antin / Eleanora Antinova

En 1981, à l’occasion de son exposition Eleanor Antin est une figure majeure de la 1979, un soir de février, au théâtre du La position qu’occupe Eleanor Antin au
Recollections of My Life with Diaghilev à la performance bien que son travail reste New York’s Kitchen Center for Video, sein de l’art conceptuel et des mouvements
galerie Ronald Feldman, l’artiste largement méconnu en France. Elle débute Music and Dance. À travers lui, Antin ne féministes de l’époque la rend inclassable.
américaine Eleanor Antin propose une sa carrière artistique dans la peinture pour concentre pas exclusivement son discours Il est difficile de catégoriser clairement sa
série de performances. Les spectateurs sont très vite s’investir dans l’art conceptuel. sur le genre en utilisant la ballerine comme pratique artistique, cette dernière mêlant
invités à venir écouter l’ancienne ballerine Cependant, son intérêt pour l’histoire et les quintessence de la féminité puisqu’elle rigueur d’une recherche conceptuelle et
Eleanora Antinova leur conter son parcours théories féministes, qui se développent dès intègre un autre paramètre en faisant autodérision 4. Elle accorde dans ses
de danseuse et notamment sa participation la fin des années soixante, lui donne une d’Antinova une danseuse noire. Eleanora travaux une place prépondérante à la
aux Ballets Russes de Diaghilev. Pour place à part. De nombreux critiques et Antinova apparaît comme une ancienne narration et à l’autobiographie, deux
l’occasion, la galerie a été transformée en artistes reconnaissent l’importance de son danseuse des Ballets Russes de Diaghilev éléments fondamentaux dans l’art
salon privé « très années vingt ». Des travail ainsi que son influence sur les qui est parvenue à briser la ségrégation féministe. Si elle est très critique envers le
palmiers entourent un tapis oriental au générations suivantes et particulièrement raciale présente dans la danse classique. système artistique et la difficulté pour une
milieu duquel trône Antinova. Des sur l’art féministe. L’avènement de Fluxus Afin d’ancrer son personnage dans femme d’y trouver sa place, elle l’est
photographies à l’esthétique ancienne la va également avoir un impact important sur l’époque actuelle, elle va, durant trois également envers le courant féministe
représentant dans ses rôles les plus son œuvre dans laquelle Antin cherche à semaines, vivre comme Eleanora Antinova majoritaire de l’époque dit essentialiste.
célèbres sont disposées sur les murs et des lier art et vie. Pour ce faire, elle créé tout ou du moins comme elle imaginerait vivre. Elle refuse, contrairement à d’autres artistes
textes décrivant les ballets sont également au long de sa carrière un certain nombre de sa génération, telles que Judy Chicago
distribués au public. Tous les éléments sont de personnages qu’elle incarne. Loin de se Ce projet, Being Antinova, va avoir lieu à ou Miriam Shapiro, de considérer les
réunis afin que les spectateurs prennent contenter d’en esquisser les traits New York durant le mois d’octobre 1980 2. rapports entre les hommes et les femmes
conscience de la renommée de la principaux, elle leur attribue une histoire Elle tient un journal durant toute cette de manière manichéenne. Les premiers
danseuse qui, quelques minutes plus tôt, ponctuée de réussites mais surtout d’échecs période dans lequel elle confie ses étant les dominants et les secondes les
leur apparaissait comme une illustre qui leur confèrent un aspect tragi-comique. impressions. Cette expérience, presque dominées. En complexifiant la construction
inconnue. Après une brève introduction Ces personnages sont pour Antin une schizophrénique, n’est pas sans identitaire, en remettant l’expérience
d’un critique qui rappelle son parcours de manière d’aborder la question de conséquence sur sa vie. Durant trois individuelle au premier plan et en adoptant
première ballerine dans les Ballets Russes, l’autodétermination et la place que celle-ci semaines, elle vit dans la peau d’une autre une esthétique nouvelle, Eleanor Antin est,
Eleanora Antinova prend alors la parole. occupe dans notre construction identitaire. femme, une femme noire. Pour « rentrer » à bien des égards, une artiste novatrice.
Elle raconte son expérience de danseuse Cette dernière est alors essentielle au sein dans la peau de son personnage, Antin
au sein de la célèbre compagnie tout en des mouvements féministes qui souhaitent fait appel à des documents d’archives. Elle Clothilde MORETTE
buvant des verres d’alcool qui, à la remettre en question les normes se renseigne minutieusement sur les Ballets
longue, finissent par l’entraîner vers des traditionnelles assignées aux femmes. Dans Russes de Monte Carlo en 1942 et 1954, 1. H.N. Fox, Eleanor Antin, Los Angeles County
confidences plus personnelles. Des fastes une interview accordée au commissaire s’inspire de la danseuse américaine Maria Museum of Art.
des Ballets Russes, Antinova raconte sa d’exposition Howard N.Fox, elle explique Tallchief et de la ballerine afro-américaine 2. E. Antin, Being Antinova, Astro Artz, 1983.
lente descente vers l’anonymat et la être très intéressée par l’idée de limite. Ces Raven Wilkinson. À ces éléments réels, elle 3. Smith, Enacting Others, Duke, 2011.
précarité. Elle explique qu’afin de gagner dernières nous sont posées dès notre plus ajoute des histoires fictives qu’elle formule 4. L. Soutter, « Community vs. Context in the Reception
sa vie elle en est réduite à danser dans des jeune âge puisque notre époque, notre à l’aide des stéréotypes et archétypes of Eleanor Antin’s Retrospective », Revue n.paradoxa,
clubs de tango. Certaines rumeurs affirment classe sociale, notre sexe, notre culturels modernes pour nourrir son n°14, fev. 2001.
qu’elle aurait même tourné dans des films nationalité, sont quelques-uns des éléments personnage 3.
érotiques… La performance se termine en qui, en nous définissant, nous enferment
plein mélodrame et, lorsque la lumière se par la même occasion. Eleanora Antinova est l’occasion pour
rallume, elle rappelle au public qu’elle est Antin de multiplier les histoires en créant
disponible pour des fêtes et soirées Antin va tour à tour interpréter un roi un parallèle entre fiction et réalité.
privées. La performance est un vrai succès désargenté, une infirmière et une danseuse Antinova est exclue du monde de l’art à
dans le sens où Antin est tellement qui, au fil des années, donneront lieu à la cause de sa couleur de peau mais elle est
convaincante dans le rôle d’Antinova que naissance du personnage d’Eleanora également victime d’une exclusion sociale
certaines personnes vont la voir à la fin en Antinova. Ce dernier personnage, sans due à la vieillesse et à la perte sa gloire
lui proposant une aide financière 1 ! doute le plus complexe et abouti, naît en d’antan.

Kader Attia : L’Art peut-il réparer l’Histoire ?

Lors de la dernière dOCUMENTA (13), Kader Attia a marqué les esprits à travers commissaire Ellen Blumenstein, Attia explique : « J’ai réalisé quelque chose de
une installation singulière, forte, déroutante : La réparation, de l’Occident aux fondamental : la réappropriation est un processus de réparation. Je comprends
cultures extra-occidentales. Le visiteur pénètre dans une sorte de cabinet de réparation comme une reconstruction dans un sens large, une sorte d’outil qui peut
curiosités orné de vitrines anciennes emplies d’ouvrages portant à la fois sur la être appliqué à des thématiques politiques, culturelles et scientifiques pour examiner
période coloniale et sur la guerre 14-18. leurs diverses interactions ».
Au loin, on aperçoit un diaporama faisant défiler les images des soldats blessés de Ainsi, dans le premier acte de son exposition, l’artiste s’intéresse aux transferts
la Première Guerre Mondiale, les « gueules cassées », au côté de masques culturels élaborés dans la relation entre le monde occidental et le continent africain
africains. Les visages meurtris ont été soignés par les premières tentatives de à travers la musique. Le jazz et le blues créés par les descendants africains des
chirurgie réparatrice tandis que les masques ont été réparés avec des matériaux esclaves d’Amérique du nord et du sud sont intégrés, lors de l’indépendance des
des colons qui ne sont pas d’origine, comme par exemple des pièces de monnaie de pays africains dans les années 60-70, à des formes de musiques traditionnelles.
la République française. Les réparations s’appliquent ainsi sur les « gueules Les formes hybrides des musiques composées sont montrées à travers les
cassées » tout comme sur les objets africains sur lesquels apparaissent des pochettes de disques. Cette nouvelle culture musicale est considérée par Attia
éléments étranges. Lors de la Grande Guerre, de nombreux soldats des colonies comme une réparation de l’histoire. La déambulation dans les différentes salles de
d’Afrique ont été également envoyés sur le front. Les visages et masques KW semble mener le visiteur d’un musée ethnographique avec masques hybrides en
reconstruits semblent autant d’allégories des tentatives de « réparer l’Histoire », bois et miroirs et dessins anatomiques, à un cabinet de curiosités avec l’installation
de la restituer. de la dOCUMENTA et jusqu’à un muséum d’histoire naturelle dans lequel sont
Sur des étagères en métal se dressent des sculptures en bois de ces mêmes exposés des animaux sauvages taxidermisés : panthère, hibou, singe sont
visages déformés des soldats. Elles ont été réalisées par des artistes confrontés à leur masque stylisé en bois. Deux façons très différentes de contrôler
contemporains, au Sénégal, à la demande de Kader Attia. D’autres objets hybrides, la nature par deux civilisations opposées. L’une, occidentale, s’attache à la mimésis
témoins de l’histoire, sont présentés dans l’installation : des douilles en étain la plus fidèle à travers la taxidermie, et l’autre, africaine, développe une mimésis plus
retravaillées et sculptées en vases par les « poilus », divers objets hybrides lointaine, presque abstraite à travers les masques de ces animaux.
intégrant des matériaux de réparation. Ainsi, l’objet hybride réinterprète l’histoire Dans une autre salle, on découvre la vidéo d’un oiseau-lyre australien qui a opéré
tout en proposant une histoire différente. La scénographie de ce dispositif rappelle une mutation étrange de son évolution, en lien avec l’invasion progressive de la
celle des musées ethnographiques dans lesquels parfois ces objets hybrides, non civilisation sur son propre territoire. Capable d’imiter parfaitement les chants des
considérés comme authentiques, n’auraient pas forcément eu leur place. Attia autres oiseaux afin d’échapper à ses prédateurs, il a également assimilé dans ses
opère ainsi une tentative de réhabilitation de ces artefacts, de leur histoire, qui analogies vocales, les sons de son nouvel environnement : le son d’un appareil
laisse transparaître les faces cachées de l’Histoire. L’artiste questionne ainsi photo, celui d’une alarme de voiture ou bien même d’une tronçonneuse.
l’histoire coloniale et postcoloniale. Il s’interroge sur ce qui a été fait et ce qui Par ces différents exemples, Kader Attia tente ainsi d’expliquer comment, à travers
continue d’être fait aujourd’hui pour réparer l’Histoire. la nature et la culture, les systèmes de vie sont basés sur des réparations sans fin.
« La réparation n’est pas une restauration mais plutôt la création d’un nouvel objet La réflexion autour de la réappropriation et de la réparation constitue un véritable
dans lequel se mélangent différentes histoires, des expériences sociales et tournant dans le travail de Kader Attia. Au-delà des thématiques liées aux conditions
personnelles. » (Jacinto Lageira 1) de vie et d’intégration des immigrés ou bien de l’identité conflictuelle d’une culture
Ce concept de réparation est développé et approfondi par l’artiste dans son déracinée qui se réfère à sa propre histoire, l’artiste tourne une nouvelle page de
exposition récente à KW Institute for Contemporary Art à Berlin, Reparatur (26.05 son œuvre pour se consacre à une histoire plus universelle.
– 25.08.2013), tout au long d’une dramaturgie en cinq actes.
Il prolonge ainsi son œuvre commencée à la dOCUMENTA en se positionnant plutôt Adeline BLANCHARD
comme anthropologue, chercheur, archiviste. Il se réfère clairement aux écrits d’un
Frantz Fanon et de ses théories anticolonialistes. Dans une interview avec la 1. In : Repairing Resisting, Jacinto Lageira. Professeur d’Esthétiques à l’Université de Paris 1 Sorbonne et
critique d’art. Texte pour l’installation de Kader Attia, catalogue de la dOCUMENTA (13).

6

Romantique Johnny : entretien avec Jean-Alain Corre

Si l’on s’en tenait à une simple observation des formes, © Jean-Alain Corre, University Dream, 2011, Musée des moulages, Lyon explique par exemple qu’en regardant Demi Moore, dans
l’œuvre de Jean-Alain Corre (né en 1981, diplômé de Ghost, j’ai eu envie de faire de la céramique. Sans cette scène
l’école d’art de Lyon en 2006) apparaîtrait davantage F.B. : Comment définirais-tu son rôle à présent ? du film, je n’ai aucune raison d’utiliser ce matériau. Ce rapport
comme celle d’un sculpteur – produisant principalement des J-A.C. : On pourrait considérer Johnny comme une structure au premier degré m’intéresse. Avec Johnny, je peux alterner les
machines mystérieuses et des assemblages cryptés – que assez conceptuelle, dans laquelle les statements auraient été stades de fascination et de distanciation. Il n’y a aucune ironie
celle d’un auteur, rattachant sa pratique plastique à un remplacés par ce personnage avec qui on est amené à par rapport à Demi Moore, ni pour toutes ces sitcoms, comme
univers fictionnel où se côtoieraient, parmi d’autres, les partager certaines humeurs, certaines situations. Il ne s’agit Beverly Hills ou Premiers Baisers. Ces programmes peuvent
constructivistes russes, Raymond Roussel et Demi Moore. pas d’un double psychanalytique, je préfère en parler en paraître légers mais je m’intéresse à leur façon de créer un
Une telle superficialité serait évidemment trompeuse et, pour terme biologique. Je l’envisage davantage comme un moteur, environnement, et j’aime les mettre sur le même plan que
accompagner ses étranges constructions, Jean-Alain Corre a un cerveau autonome qui me permet de produire des choses. l’urbanisme d’une ville. C’est à partir de ce constat que j’ai
créé Johnny. Johnny n’est pas le double de l’artiste, il est une Johnny ne me parvient pas, il n’est pas enfoui en moi et je n’ai structuré mon travail en épisode, un peu comme ces feuilletons.
sorte de moteur conceptuel, un geyser à idées. Il est aussi un pas besoin d’aller creuser quoi que ce soit pour le trouver.
socle, un appui qui établit la jonction entre deux champs de C’est un organe d’appréhension du réel que j’utilise comme F.B. : Comment s’organise le travail d’écriture des
création, tel un passeur à la frontière du récit et de l’objet. procédé plastique afin de proposer des objets. différents épisodes de Johnny et quel statut
accordes-tu à ces textes, ou bribes de textes,
Franck BALLAND : Quand Johnny est-il apparu dans F.B. : Johnny m’apparaît finalement comme un parfois visibles dans tes expositions ?
ton travail ? Qu’est-ce qui a motivé sa création ? négatif du « That Person » de Matt Mullican 1. J-A.C. : Il n’y a pas de systématisme dans leur écriture.
Jean-Alain CORRE : La première fois que j’ai eu recours L’artiste laisse surgir cet autre lorsqu’il est dans Certains textes sont venus avant les pièces, et d’autres après.
à Johnny, c’était en 2006. Johnny était le personnage principal une sorte de transe : « That Person » est une Je ne souhaite en tout cas pas faire de cette étape un principe.
d’un texte que j’avais écrit et qui s’intitulait « Johnny à manifestation de son inconscient, qui génère ses Par ailleurs, ce n’est pas un élément auquel il est nécessaire
l’usine ». Je racontais une expérience de travail que j’avais propres œuvres, sa propre esthétique. Il y a de se raccrocher pour saisir mon travail. Je disperse les signes
vécue, alors que je faisais de l’intérim et que j’avais passé des cependant un point de jonction entre « That de l’univers de Johnny en espérant que quelque chose puisse
journées entières à caresser des lardons pour les faire tenir Person » et Johnny. Un intérêt commun pour ce se passer sans explication. Je le présente souvent comme un
dans des barquettes. Je n’avais pas envie d’employer la que produit la société de consommation, un personnage sans scénario parce que ses apparitions ne
première personne et j’ai choisi ce prénom, qui me semblait penchant sincère, sans ironie, pour les stars de constituent pas une histoire ; il erre simplement au cœur d’un
plutôt lambda, pour parler de mon expérience. Trois ans cinéma notamment… univers dans lequel je viens piocher.
après, j’ai construit une machine en rapport avec ce texte, une J-A.C. : Oui, Johnny est une sorte de greffe qui pousse sur le
sculpture projetant de la lessive intitulée Generatorscape, que travail, c’est une présence un peu « alien » grâce à laquelle F.B. : Au delà des références qui constituent la
j’ai installée chez Néon, à Lyon, en 2009. Il y a des écarts je peux introduire une certaine dimension d’affect. C’est ce qui toile de fond de l’univers de Johnny, il semble
entre le récit et l’objet, mais la matière abstraite de l’histoire, finalement que tu recherches, dans la réalisation
tout ce rapport au lieu de production était évident. Dès ce de tes objets, une forme de travail plus empirique ?
moment là, Johnny a fait office d’intermédiaire entre l’œuvre et J-AC. L’œuvre pour moi c’est une sorte de jardinage.
moi. Comme on demande régulièrement aux artistes de parler J’apprécie le travail de Michel Blazy pour cette raison. Moi
de leur travail, Johnny est aussi rapidement devenu une aussi, il faut que je regarde pousser ce que je fais, comme un
solution me permettant d’expliciter certaines choses, jardinier avec sa pelouse. Le monde végétal me semble plus
notamment avec ces petits textes que j’ai continué d’écrire. intéressant que le monde animal : il est bien plus plastique
Finalement, ce qui n’était qu’une solution a pris de l’épaisseur, quand on prend conscience de sa manière d’exister. Si l’on s’en
et Johnny fait maintenant entièrement partie de mon travail. tient à l’exemple des plantes, certaines mutent très rapidement
pour s’adapter à un milieu, et d’autres peuvent avoir
F.B. : Tu parles d’un prénom lambda, mais Johnny naturellement deux types d’ADN différents. C’est un peu comme
est un prénom importé, et peut en cela faire écho à si deux individus n’en constituaient alors plus qu’un seul : un
certaines caractéristiques de tes pièces, dans bras viendrait de l’un, et l’œil de l’autre. Les œuvres de Johnny
lesquelles on rencontre également des éléments se situent entre cette pratique, disons proche de l’agriculture, et
culturels importés. lui associent un champ de référence plus quotidien, qui aurait
J-A.C. : Johnny mélange les cultures françaises et américaines. davantage à voir avec le prospectus de supermarché.
Comme Johnny Halliday si on veut, qui a importé des
chansons des États-Unis et les a simplement traduites. Johnny 1. Matt Mullican est un artiste américain né en 1951. Son travail s’organise autour
m’a permis d’établir un univers de référence, et de venir relier de deux pôles a priori distants : d’un côté, l’artiste développe une cosmologie
mes pièces à cet univers qui est principalement nourri par mes complexe, fondée sur la création d’un code couleur auquel il rattache l’ensemble
expériences, par les films que je vois, ou certaines sitcoms qui des éléments constitutifs du réel ; de l’autre, en ayant recours à l’hypnose, il libère
ont accompagnée mon adolescence. « That Person », cette entité romantique – fascinée par les fleurs, les bébés et les
chansons d’amour – qui sommeille en lui.

Kader Attia, La réparation, de l’Occident aux cultures extra-occidentales, dOCUMENTA (13), 2012 - © Photo : Roman März
7

Latifa Laâbissi : Témoignage

La chorégraphe et performeuse Latifa Laâbissi fonde l’association Figure Dans Phasmes (2001), j’ai eu besoin d’incorporer, tant d’un point de vue physique, pratique
Project en 2008. Elle est invitée en résidence aux Laboratoires que théorique, ce qu’il en était de ces danses, de leurs tensions, de leurs pulsions et de leur
d’Aubervilliers de septembre 2013 à avril 2014, et présentera Self Portrait contexte d’émergence. J’avais besoin de le faire en passant par l’apprentissage des œuvres,
Camouflage le 11 décembre 2013 dans le cadre d’une session de travail physiquement, pour éclairer la question de la violence sociale et des régimes de domination
Ruser l’image 2. Sa dernière pièce Adieu et merci sera présentée au Centre qui se reconduisent sous différents visages. L’essentiel de mon travail s’articule autour du
Pompidou du 20 au 22 novembre 2013 dans le cadre du Festival statut du minoritaire, de la mise à l’index des minorités. J’essaie d’interroger le
d’Automne. En janvier et mars 2014, Latifa Laâbissi sera invitée en communautaire, d’assigner des opérations aux questions alors que le risque est de retirer
résidence à l’École Nationale Supérieure d’Art de Dijon et animera un toute complexité.
workshop avec Mathieu Klebeye Abonnenc. Je me suis donc appuyée sur les travaux de la danse expressionniste allemande, chez
Valeska Gert pour ce qui concerne le grotesque, et chez Mary Wigman dans sa façon de
DÉSIRS ET FORMATION convoquer les affects. Tout cela bien sûr n’était absolument pas valide dans la danse
« Je ne peux me départir d’un contexte qui est le mien, la danse, où la danse abstraite abstraite américaine. Alors que dans l’Allemagne du début du XX e siècle, ce régime
américaine prévalait en France au moment où je me forme dans les années 80. L’esthétique performatif faisait partie de la grande tradition du cabaret pour faire la satire politique de
dominante était celle de Merce Cunningham. Il a fait école et transmis une technique de l’époque, représenter des figures minoritaires, la prostituée, le mendiant, ainsi que la figure
corps très spécifique sur de nombreux aspects qui, malgré tout, convoquait fortement la de la mort qui était un des grands refoulés de l’immédiat après-guerre.
technique du ballet classique pour pouvoir interpréter son vocabulaire chorégraphique.
Donc, j’avais envie d’aller directement à la source qui me passionnait et j’ai fait une LA PART DU RITE, ÉCRAN SOMNAMBULE
demande de bourse pour étudier à l’école Cunningham aux États-Unis. Avec Mary Wigman, il y a une espèce de bloc intense. J’ai voulu le mettre en valeur en
Mais au même moment, et de façon plus inconsciente, j’avais aussi le souci et le désir de créant deux pièces à partir de son engagement.
rendre compte d’un autre état de corps où le visage, notamment, serait mobilisé, où la Écran somnambule (2009) reprend la seule trace filmique de la Danse de la sorcière et me
grimace du monde pourrait apparaître, des rapports à la domination, la violence et la permet de me concentrer sur les figures qui provoquent l’effroi. Il y a en elles ce que Claude
cruauté que je ne trouvais pas du tout traduits, voire même lissés par la danse abstraite. Raban, un psychanalyste, reconnaît comme un mélange d’attirance et de rejet. Il voit dans
C’était très physique comme sensation. Je le ressentais à travers mon intérêt pour les films les figures de Wigman et de Gert, un élément commun à leur élaboration, même si les deux
de P.P. Pasolini (dont La Rabbia, La Rage), de A. Kurosawa, R.W. Fassebinder ou, dans un femmes se détestaient et que leurs façons de conduire le corps n’avaient rien de comparable :
autre registre, S. Eisenstein, F.W. Murnau… Si je suis touchée par ce cinéma et en particulier un potentiel apotropaïque, une capacité d’exorciser les forces de destruction, les hantises.
par la façon dont Pasolini est connecté aux rites populaires dans ses fictions ou ses C’est quelque chose de fascinant. Cela a aussi à voir avec un projet en préparation qui
documentaires, c’est parce qu’à travers la langue se nouent toujours la question de l’altérité, s’appelle « Figure toxique », et que je débute avec une rapeuse, Casey, à qui j’ai
de l’autre, les corps, les chants et la danse. La distorsion, la conjonction entre politique demandé d’écrire un rap pour une danse macabre. Le chant autant que le corps physique
et poétique, d’un point de vue sensible, est une ressource énorme pour aborder ne cherchent pas à échapper à la violence mais, au contraire, à la penser. Ils travaillent
l’aliénation et la contestation. Dans le cinéma burlesque, de Buster Keaton à Tati, j’ai avec la crise, le rugueux, la déformation de la langue, la dénonciation de situations
également trouvé des créateurs qui utilisent le rire avec l’idée d’un drame sous-jacent et sociales. Casey est très loin du rap commercial.
jouent avec les forces du trauma. Quant à La Part du rite (2012), c’est à la fois une conférence prononcée par Isabelle Launay
J’avais suffisamment à apprendre chez Cunningham et je me suis plongée dans cette sur les danses amateurs de l’Allemagne des années 20, et une manipulation de corps. Trois
transmission de façon totale, presque stakhanoviste. Quand je suis revenue en France, en artistes en danse y sont évoqués : Rudolf Laban, Martin Gleisner et Jean Weidt, dont les
1988-1989, je ne voyais rien dans mon environnement qui se rapprochait de cette ambitions et les esthétiques étaient très différentes, posant la question de ce qui fait autorité,
conjonction que j’essayais de faire entre la danse abstraite américaine et la traduction de ce qui constitue les moyens d’une initiation et d’un éveil ou d’un assujettissement. Le titre
physique d’un espace de crise, sauf F. et Stein de Dominique Bagouet ou May B de Maguy de la pièce a été pris à Aby Warburg dans sa conférence Le Rituel du serpent 3 qu’il a
Marin. C’est aussi au théâtre que je l’ai trouvée, en faisant des workshops avec une donnée en 1923 alors qu’il était interné en Suisse et voulait démontrer sa vaillance. L’espace
personnalité telle que Ariane Mnouchkine, qui travaillait avec les masques de la Commedia de la mise en scène de la parole évoque le rituel. La question du rite m’intéresse, je me suis
dell’Arte ou les masques balinais, et la possibilité à travers eux de faire remonter des documentée auprès de Jean Rouch, auprès de Maya Deren qui a fait des études sur les
archétypes, une sorte de visage du monde. pratiques vaudou en Haïti et qui a aussi inclus l’expression corporelle et la danse dans ses
films. La forme du rituel permet aussi de consentir une sorte de contrat avec le public.
DANSE ET CONTEXTE CULTUREL
J’ai d’abord fait beaucoup d’expériences d’interprète avec plusieurs chorégraphes (Jean- Histoire de la danse, ambiguïté des forces en présence, part d’inconscient, je souhaite
Claude Gallotta, Loïc Touzé, Jennifer Lacey et Nadia Lauro, Boris Charmatz, Robyn Orlin, travailler avec ces éléments-là, avec une distance plus grande aussi pour essayer de me
Dominique Brun). C’est assurément avec Self Portrait Camouflage en 2006, que je me suis décoller du sujet et manifester ce qui est en jeu. Je n’ai pas de message univoque à faire
autorisée à faire un geste d’auteur, un solo. En amont il y avait eu le projet collectif Morceau, passer, mais quelque chose qui serait au croisement de ce qu’on désunit, une forme
signé à quatre, et d’autres pièces. d’archaïsme contenant du savoir et un savoir dont on aurait enlevé la substance archaïque.
J’appartiens à une génération de transition, où passer d’interprète à chorégraphe ne s’est J’essaie de convoquer ces deux forces, de dire qu’elles sont conjointes, agissantes
pas fait dans une rupture. Un peu avant les années 80, il y avait une hiérarchie presque ensemble, qu’elles permettent de traduire une forme d’oubli à la fois individuelle et
étanche entre ces deux métiers et en aucun cas on ne transitait de l’un à l’autre, à de rares collective, et une situation contemporaine. C’est nécessaire de travailler avec les deux, alors
exceptions près. Je précise « en France », parce qu’aux États-Unis il y avait déjà eu que nous avons soit l’illusion d’appartenir à un monde qui serait déterminé par son évolution
énormément d’expérimentations dans les années 70 avec le décloisonnement des et des logiques rationnelles, soit d’être menés par une part archaïque qui peut nous terrasser. »
disciplines. En Allemagne, Pina Bausch avec le Tanztheater assumait déjà des régimes de
création variés. Mais en France demeuraient encore la vieille question du medium et le Entretien réalisé avec Martine LE GAC
problème de sortir des catégories. septembre 2013
Avec un certain nombre d’artistes1, nous avons fait partie des « Signataires du 20 août
1997 » pour des raisons politiques, afin de faire valoir un art plus expérimental et une 1. Chorégraphes, chercheurs, historiens de l’art, de la danse, dont Boris Charmatz, Nathalie Collantes, Emmanuelle
réflexion sur nos pratiques. L’expérimental n’était pas pris en compte dans les grandes Huynh, Isabelle Launay, Laurent Pichon, Loïc Touzé, Christophe Wavelet.
discussions déterminant, entre autres, quelle était la fonction d’un centre national 2. Céline Roux, Danse(s) performative(s) – Enjeux et développement dans le champ chorégraphique français (1993-
chorégraphique. Par ailleurs, les critères établis pour attribuer des subventions à un artiste 2003), L’Harmattan, Paris, 2007.
nous paraissaient liés à un académisme délirant. Pour ne donner qu’un exemple, on pouvait 3. Aby Warburg, Le Rituel du serpent : Récit d’un voyage en pays Pueblo, traduit par Sibylle Muller, Macula, Paris, 2003.
entendre dans les débats de commissions : « Tiens, mais c’est quand même bizarre, cette
personne prétend faire des pièces ou danser, or elle n’a pas un physique de danseur! » Pour en savoir plus sur Latifa Laâbissi La distorsion de la langue et du corps, cf. www.ensa-dijon.fr
C’était hallucinant, mais ces remarques nous étaient rapportées et comptaient dans les
décisions, ce n’était pas anecdotique. Et puis la grande bataille portait sur la Latifa Laâbissi, La Part du rite, 2012 - © Photo : Margot Videcoq
pluridisciplinarité, le fait que les artistes chorégraphes pouvaient avoir recours à la parole,
à différents médiums. S’il y avait trop de paroles dans un spectacle, trop d’images, si le
motif du solfège de la danse, en tant qu’élément repéré, n’était pas suffisant en terme de
coefficient danse, alors ce n’était pas considéré comme de la danse. Les échanges, la mise
en place de laboratoires de travail, nous ont amenés à brasser les statuts du chorégraphe
et du danseur, à revendiquer une attitude performative aux limites de l’acte artistique et de
la non danse. Céline Roux parle très bien de cette période 2.

RÉFÉRENCES ET MOTIVATION
C’est à partir de là que je me suis posé la question : comment traduire une idée, un désir,
mon intuition ? Et puis un jour, j’ai vu le film de Suse Byk sur Valeska Gert (1892-1978), la
seule trace de danse que l’on a d’elle, hormis ses tournages avec Fellini, Pabst et Renoir. Il
s’agit, en 1925, de trois danses : La Mort, Canaille et Maquerelle. C’était saisissant. Comme
si d’un seul coup se présentait à moi le concentré de ce que je n’arrivais pas, ne m’autorisais
pas à formuler corporellement ou intellectuellement, et qui était en attente dans ma
construction psychique. Du coup, je me suis engouffrée dans ce début de la modernité en
danse en Allemagne, et un peu plus tard du côté du Japon avec l’œuvre d’Hijikata Tatsumi.
Ce sont les deux sources principales qui m’ont donné accès à ce dont j’avais besoin,
clairement formulé par ces deux danseurs-là. Différemment chez Mary Wigman (1886-1973)
et Hexentanz, sa Danse de la sorcière de 1914 qu’elle a reprise en 1926. Mais toujours un
retour vers l’Histoire comme moyen d’appréhender l’époque présente.

8

Jean-Yves Jouannais, L'Encyclopédie des guerres - © Courtesy Hervé Véronèse Centre Pompidou, Paris

Jean-Yves Jouannais : de la gravité des actions commises. Aucune n’existe dans
L'Encyclopédie des guerres l’absolu, toutes se tiennent et se transforment avec le temps.
Si je peux craindre cette déformation, cette dérive, alors
j’apprécie d’autant qu’un auteur comme Jouannais
s’intéresse justement à la forme, se préoccupe de la
silhouette à donner à son étude et à l’énonciation de son
contenu. Et s’il redoute parfois les amalgames, peut trouver
démoralisant de bricoler sur la durée avec des choses qui
ne coïncident pas, le fil de son projet reste tendu sur l’ordre
alphabétique. Il a trouvé son axe.
La progression du mélange des récits, des images et des
commentaires voit s’avancer une forme artistique qui a déjà
engendré ses premiers délices dans le Narrative Art 3, où
textes et photos au mur attendent leur lecteur, leur
spectateur, dans la position de la peinture. Je me sens
encore plus la fille de Jean Le Gac en étant à l’écoute de la
manière de faire de Jean-Yves Jouannais. Il s’agit pour lui
d’épuiser un sujet par la parole. Entre découpes,
parenthèses et dévalement, chaque conférence-performance
démontre la puissance du langage. En un clin d’œil, des
réalités sans commune mesure sont articulées entre elles.
L’Encyclopédie des guerres est l’art de faire des liens pour
définir une trame de lecture alors que la compréhension des
événements se donne sous des jours disparates.

L’Encyclopédie des guerres de Jean-Yves Jouannais débute lors de la 38 e séance, l’anagramme Bagarre sortait de L’aspect fragmentaire est la clef de l’entreprise 4. Celle-ci, en
par un extrait de Medal of Honor sur une musique de Gang l’ombre et avec lui toute une série d’allusions : notamment au raison du foisonnement des connaissances, est vouée à
of Four. Premier mixage et signe avant-coureur de ce qui va Siège de Tyr par Alexandre le Grand, aux châteaux de sable l’incomplétude, malgré une compilation ardente et une
suivre, pour considérer les batailles de l’Iliade à la Seconde dressés contre la mer par Jouannais avec sa fille, en même curiosité certaine. Dans cette incomplétude même, se trouve la
Guerre mondiale, à partir de récits inventés et d’autres temps qu’une réflexion sur la façon dont un chef d’armée chance d’un inachèvement et d’une synthèse, le projet de toute
vrais, avec leurs blessés, leurs morts et leur terreur effective. choisit ses épithètes pour consigner ses mémoires. La une vie. Roman Opalka disait de son œuvre, qui consistait à
La fiction le dispute au témoignage dans une œuvre qui création littéraire est en action, l’Encyclopédie est en marche. peindre la suite des entiers naturels, qu’elle le mettait devant
prend la forme d’un abécédaire dont les différentes Ce mouvement est à la mesure des échanges générés par la l’infini, auquel seule la mort confère toute son intensité. Le
« entrées » sont dévoilées au rythme d’une conférence- « conversion d’une bibliothèque de non guerre en récit des guerres contient par excellence ce principe.
performance par mois. Depuis septembre 2008 au bibliothèque de guerre ». Jouannais a cédé ses Que Jouannais analyse finement des images ou raconte par
Centre Pompidou, et octobre 2010 au théâtre de Reims. La Beaudelaire, ses Gide et ses Huysmans, sa collection d’Art cœur un épisode, qu’il se justifie ou se demande s’il y croit
48e séance à Paris s’est tenue le 19 septembre 2013. Press contre le 14 de Echenoz, le 2666 de Roberto Bolaño encore, s’adosse dans sa chaise ou arpente la scène, il fait
à cause de son dernier chapitre, et un atlas russe contenant jaillir les dispositions du chercheur : intelligence et sagacité,
Dans le contexte actuel, des jeux vidéo tels que Medal of la photo d’un militaire avec un dessin de frontière au trait doutes et repentirs, mémoire et persévérance. Parce qu’il
Honor, Battlefield ou Call of Duty, et des génériques de la rouge. 800 à 1000 livres sont ainsi sortis de leurs s’implique afin de « déterminer le type de curiosité que lui
chaîne BFM TV se donnent des airs de ressemblance dans rayonnages pour faire l’objet de trocs le week-end2. Un inspire ce sujet », la représentation sous nos yeux est autant
le réalisme des personnages et les tonalités qui annoncent corpus involontaire mais ciblé s’élabore ainsi, uniquement celle de la guerre que celle des conditions de l’enquête.
l’action. Or, ce sont d’un côté des jeux de tir subjectif sur un consacré aux récits de guerre, que rejoindra bientôt la
mode virtuel, de l’autre des informations « en temps réel ». centaine d’ouvrages réunis par son grand-père maternel Jouannais peut dès lors se confronter librement à ses
Dans les deux cas, des accès à la représentation des passionné de Résistance française. obsessions, traquer les fantômes. Toutes les facettes de
conflits, entre imaginaire et traces de réalité qu’un Aujourd’hui, la bibliothèque de Jouannais, qui inclut un guerre qu’il choisit de mettre en exergue sont le reflet de ce
spectateur n’est pas supposé confondre, mais dont les personnage de son invention, Félicien Marbœuf « le plus qui le concerne, de ce que lui sont le désir de victoire, les
écrans multiplient les registres et les formats. Comme le fait grand écrivain sans œuvre », ne compte que des livres écrits manœuvres des armées et le choix des armes, jusqu’à la
savoir la 12 e Biennale de Lyon, placée sous le signe de la en français ou traduits: 70% sur l’épopée napoléonienne et la moindre saillie dans le paysage avant le silence des
transmission et de la narration : « des histoires émergent Seconde Guerre mondiale – un pourcentage qui pourrait tombeaux, sans compter les retournements de situation, le
dans un océan d’images » 1. s’inverser avec les commémorations prochaines de 1914-1918. suspense. A travers sa collecte, il déniche des propos
Une autre dominante touche à une littérature nord-américaine. d’auteurs aussi passionnés que lui et, les égrenant à haute
Jouannais s’est mis dans la peau d’un copiste, d’un compère Il y a très peu de chose sur la guerre russo-japonaise ou les voix, se refait son arbre généalogique. Une lignée dont l’un
de Bouvard et Pécuchet, pour donner consistance au chapitre guerres papoues, zouloues, dites « ethniques », et rien sur des proches est son grand-père paternel mort lors de la
manquant sur la guerre dans « l’encyclopédie critique en l’Amérique du Sud. Un contre-exemple récent est la guerre de 1939-1945.
farce » de Flaubert qui trouvait son entreprise absurde à plus présence de Hautes Terres, la guerre des Canudos L’Encyclopédie semble un autoportrait en devenir,
d’un titre. Puisque le temps dilue les données, que la mémoire d’Euclides Da Cunha, relatant les campagnes de 1896- s’identifiant aux décisions d’Achille, à la sagesse d’Ulysse,
est sélective, « chrono-fautive », Jouannais est marqué par le 1897 de la jeune République brésilienne. La lecture cet été à ses errances ; ses aïeuls sont le général Poilloüe de Saint-
caractère « digestion bovine » de l’histoire, sa rumination, et de La Guerre du feu, écrit par Rosny en 1911, pourrait faire Mars, le colonel Bardin ou l’un des troufions qui
tout ce dont il faut se rappeler pour se permettre au bout de remonter l’exposé des guerres non à l’Iliade mais au combattaient jadis. Et la trouille du plus petit, c’est la sienne
la connaissance d’en ajouter un autre bout. paléolithique… aussi. Le type qui s’est fait descendre pour avoir soufflé dans
Annoncée initialement comme devant se dérouler entre un pipeau, et le type qui l’a descendu – bêtement –, ce
Adieu et Zouave, L’Encyclopédie des guerres a commencé Devant cet état des lieux, mouvant au possible, Jouannais se sont ses forces en lui, nourricières et prédatrices, les aspects
par Abeilles, puis par Abats, et ne cesse de s’enrichir pose souvent la question de la légitimité de sa démarche – fondamentaux et opposés de la psyché. L’énergie vitale veut
d’inserts. Outre les phrases tirées de différents types de « Je ne sais pas ce que c’est que la guerre, mais je prétends arracher l’ombre mortelle de ses pouvoirs et se reconnaît
livres, des extraits de films et des photos, parfois quelque pourtant en faire les récits » –, démarche que pourraient lui dans ce qu’il nomme la Force et le Pessimisme de la force.
objet, chanson ou poème participent à sa construction contester un casque bleu, un témoin direct ou un historien. Si
narrative. Un tel arsenal détient des éléments déjà Jouannais n’a pas vécu la guerre, il en assimile les ressorts et Ce miroir tendu permet de considérer les menaces que font
transposés par la culture : les archives du Débarquement les étapes par les expressions d’autrui. L’Encyclopédie fait la peser les guerres, la crainte d’y être confronté, mêlée au
nourrissent par exemple un film qui sert de référence à un preuve que la perception de la guerre jaillit bel et bien d’une courage d’affronter l’adversaire tapi en soi. Que l’auditeur
jeu vidéo, qui sera à son tour adapté au grand écran en conjugaison de bribes, de recoupements de sources vienne apprivoiser ses peurs, démasquer ses faiblesses, ou
allant piocher ses héros dans le vivier des stars en vogue. hétérogènes. Une vision résulte de ces lignes de fuite, une se mettre à l’abri de l’actualité dans l’intimité d’une parole,
Littérature, musique, photo et cinéma s’épaulent par leurs sorte de décadrage actif. Du champ de bataille, Jouannais le plaisir de se laisser conter des histoires l’attend séance
qualités respectives pour mieux cerner un phénomène qu’en construit le chant et le hors-champ. Sans se départir de la après séance.
toute objectivité rien ne permet de saisir. Il en ressort la rigueur liée aux références, il remet chaque citation dans son Parce que Jouannais incarne cette figure complexe, la
conscience que tout conflit armé est transmis par des écrits, contexte, fait des parallèles, procède à des digressions, portée symbolique de l’Encyclopédie des guerres gagne le
des sons et des visuels constituant déjà en eux-mêmes, avec permet de saisir, à la lumière d’un détail ou d’une anecdote spectateur. Venez aux prochaines rencontres de 2013, les
leur hardiesse et leurs limites, des relectures de faits en apparence loin des faits, ce qui a pu conduire à leur 17 octobre, 21 novembre et 12 décembre!
auxquels l’accès direct a disparu. déclenchement, leur épaisseur et finalement participe au
trouble que laissent durablement les conflits. Martine LE GAC
Pas de développement chronologique donc, un jeu plutôt sur La pureté n’est pas le propre de l’Histoire. Oublieuse,
les temporalités et une multiplicité d’angles d’attaque lacunaire et scénarisée, elle défie quiconque en quête de 1. Cahier du journal Le Monde n°21352, 12/09/2013 – art contemporain.
connectés par la force des mots. Avec Barrage, développé cohérence de séparer les élucubrations des dates brutes et 2. À la galerie France Fiction Paris 3 e, pendant un Salon de Montrouge, au
Printemps de Septembre à Toulouse avec l’école des Beaux-Arts et,
récemment, à la librairie L’Atelier Paris 20 e.
3. Mouvement artistique international caractérisé par l’utilisation de la photo
associée au texte et, plus tard, à la peinture (expositions fondatrices Story,
1973 et Narrative Art, 1974 à New York, galerie John Gibson, puis à Rome
et à Milan, avec David Askevold, John Baldessari, Bill Beckley, Peter
Hutchinson, Jean Le Gac, David Tremlett, William Wegman et Roger Welch.
4. Fragmentaire elle aussi, l’encyclopédie de Novalis, Le Brouillon général
(1798-1799), “se joue de toutes les divisions et de tous les cloisonnements
habituellement dressés entre les arts, les sciences et le monde quotidien”. Cf.
sa traduction par Olivier Schefer, Paris, Allia, 2000.

9

annemasse HORSD’ŒUVRE n° 32 haguenau paris éditions d’artistes
édité par l’association
Villa du Parc INTERFACE Chapelle des Annonciades Granville Gallery INTERFACE - HORSD’OEUVRE
Parc Montessuit 12 rue Chancelier de l’Hospital (org. Frac Alsace) 23 rue du Départ 12 RUE CHANCELIER DE L’HOSPITAL
12 rue de Genève F - 21000 Dijon place Albert Schweitzer 75014 Paris 21000 DIJON
74100 Annemasse t. : +33 (0)3 80 67 13 86 67500 Haguenau tél. 01 43 22 41 94 tél. : 03 80 67 13 86
tél. 04 50 38 84 61 [email protected] tél. 03 88 90 29 39 ouvert du mer. au sam. de 15h à 19h [email protected]
ouvert du mar. au sam. www.interface-art.com ouvert du mer. au dim. de 14h à ® « Travaux spécifiques » D. Buren et Format : 420 x 594 mm (impression offet)
de 14h à 18h30, fermé les jours fériés 18h, fermé les 01/11/13, C. Mosta-Heirt : 25/10 - 21/12/13
® « A heures fixes, pas une minute à Conception graphique & 25/12/13 et 01/01/14 CHRISTIAN MARCLAY [horsd’oeuvre n°27 - 2011]
perdre » Raphaël Julliard, Pascal responsable de la rédaction : ® « Pièces Montrées - Frac Alsace, 30 ans pougues-les-eaux Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
Schwaighofer, Marie Velardi : jusqu’au Frédéric Buisson de collection » : 12/10/13 - 09/02/14 Prix unitaire : 100 + 7 de frais d’envoi
21/12/13 Parc Saint-Léger
® « La République » Exposition Coordination, contacts Agenda : la clayette avenue Conti CÉCILE BART [horsd’oeuvre n°28 - 2011]
collective, commissaire : Président Nadège Marreau 58320 Pougues-les-Eaux Tirage : 50 ex. numérotés et signés par l’artiste
Vertut : 16/01 - 22/03/14 Exos Lucius tél. 03 86 90 96 60 Prix unitaire : 50 + 7 de frais d’envoi
® « Le syndrome de Bonnard » En Ont participé à ce numéro : 68, rue Lamartine - 71800 La Clayette ouvert du mer. au dim. de 14h à 18h
partenariat avec le Mamco : Franck Balland, Adeline tél. 03 85 84 35 97 et sur rdv LISE DUCLAUX [horsd’oeuvre n°29 - 2012]
04/04 - 07/06/14 Blanchard, Julien Blanpied, ouvert les ven., sam. et dim. ® « bottled water branded water » Tirage : 200 ex. numérotés et signés par l’artiste
Nicolas-Xavier Ferrand, de 14h30 à 18h30 et sur rdv Gabriel Kuri : 19/10/13 - 09/02/14 Prix unitaire : 35 + 7 de frais d’envoi
belfort Martine Le Gac, ® « Hors Champs »
Clothilde Morette, Aurélien Sylvie Bonnot : jusqu’au 10/11/13 rennes PEDRO CABRITA REIS [horsd’oeuvre n°30 - 2012]
Le Granit Pelletier, Barbara Sirieix Tirage : 100 ex. numérotés et signés par l’artiste
1 faubourg de Montbéliard landerneau Frac Bretagne Prix unitaire : 100 + 7 de frais d’envoi
90000 Belfort Relecture : 19 avenue André Mussat - CS 81123
tél. 03 84 58 67 50 Stéphanie Jager Fonds Hélène & Edouard Leclerc 35011 Rennes Cedex MATHIEU MERCIER [horsd’oeuvre n°31 - 2013]
ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h Aux capucins tél. 02 99 37 37 93 Tirage : 200 ex. signés à froisser par l’acquéreur
le mer. de 10h à 18h Couverture : 29800 Landerneau ouvert du mar. au dim. de 12h à 19h Prix unitaire : 50 + 7 de frais d’envoi
® « Fixer l’ombre (Fixing shadows) » OLIVIER NERRY, tél. 02 29 62 47 78 fermé le 25/12/13 et le 01/01/14
oeuvres de la collection du musée B.B.B.D.P. 5/1 (The bit by bit ouvert tous les jours de 10h à 18h, ® « Archeologia » W. Almendra, nouveauté
Nicéphore Niépce : drawing power), octobre 2013 fermé les 25/12/13 et 01/01/14 B. Botella, C. Bove, E. Chambaud,
jusqu’au 03/12/13 ® « Joan Miró, l’arlequin artificier » P. Convert, P. Gilardi, J. Maria Gusmao DANIEL BUREN [horsd’oeuvre n°32 - 2013]
Double page intérieure : Joan Miró : jusqu’au 03/11/13 & P. Paiva, L. Le Deunff, B. Lippert, Tirage : 30 ex. certifiés par l’artiste
beaumont-du-lac DANIEL BUREN ® « la bande dessinée en liberté... » : A. Morin, L. Skaer, V. Yassef : Prix unitaire : 100 + 7 de frais d’envoi
Encres sur papier offset lys 15/12/13 - 11/05/14 jusqu’au 24/11/13
Centre international d’art et du paysage galilée 250 gr, avec 4 couleurs ® « Histoires et géographies » ensemble des 4 couleurs (rouge, bleu, vert, jaune)
Île de Vassivière (Bleu, Jaune, Rouge, Vert) pour limoges L. Antunes, R. Artschwager, I. Baxter, Tirage : 80 ex. certifiés par l’artiste
87120 Beaumont-du-Lac une édition (horsd'oeuvre n°32), J. Beech, A. Csörgö, B. Huws, Prix unitaire : 250 + 15 de frais d’envoi
tél. 05 55 69 27 27 travail in situ: Daniel Buren 2013 Frac Limousin J. Koester, F. Lucien, E. Lusito, R. Morris,
ouvert du mar. au dim. de 11h à 13h impasse des Charentes C. Moth, T. Mouraud, J. Prévieux,
et de 14h à 18h Impression : ICO 87100 Limoges B. Probst, R. Smithson, W. Swennen :
® Fernanda Gomes : 17 rue des Corroyeurs - Dijon tél. 05 55 77 08 98 jusqu’au 24/11/13
jusqu’au 05/01/14 Tirage 5 000 exemplaires ouvert du mar. au sam. de 14h à 18h, ® « Processing the world » Dieter Roth :
® Sheela Gowda : 19/01 - 23/03/14 fermé les jours fériés 14/12/13 - 09/03/14
® Peter Buggenhout : 13/04 - 22/06/14 ISSN : 1289-9518 - semestriel ® « Défilé de sculptures » C. Andre, ® « Le Centre du monde » I. Arthuis,
Dépot légal : octobre 2013 D. Aubertin, M. Berkhemer, B. Culbert, R. Bacon, B. Beaucane, A. Budding,
besançon G. Ettl, R. Fauguet, I. Hamilton Finlay, D. Colosi, D. Delepeire, M. Dinahet,
Publié avec le soutien de M. François, G. Gabellone, A. Godard, M. Duprat, L. Estève, D. Evrard, Y.-N.
Frac Franche-Comté l’ensemble des structures C.-J. Jézéquel, M. Kienzer, L. Le Deunff, Genod, G. Goiris, P. Joly, C. Lamarche,
cité des arts / 2 passage des arts annoncées dans l’agenda et du : M. Le Royer, D. Marcel, S. Marsden, D. Linders, T. Kelly Mason, J. Modé,
25000 Besançon G. Matta-Clark, A. Molinero, O. Mosset, N.G., X. Noiret-Thomé, S. Reuzé,
tél. 03 81 87 87 00 château-gontier C. Piot, P. Roehr, A. Rodcenko, V. Skoda, Q.S. Serafijn, M. Stamenkovic,
ouvert du mer. au ven. de 14h à 18h, R. Smithson, J. Stockholder, S. Tritz, P. Van der Eeden : 22/03 - 11/05/14
sam. et dim. 14h à 19h Chapelle du Genêteil P. Van Caeckenbergh, A. Vasseux,
® « Sound-Houses #1 » A. Lucier, rue du Général Lemonnier J. Vieille, C. Visser : jusqu’au 01/02/14 Dieter Roth, Grafik & Bücher, Akademie
T. Johnson : jusqu’au 01/12/13 53200 Château-Gontier ® Stéphanie Cherpin : d. Künste Berlin, 13. avril-20 mai 1973
® « Four Walls » F. Baudevin, T. Arce, tél. 02 43 07 88 96 21/02 - 31/05/14 affiche, Collection Frac Bretagne
N. Eigenheer, J. Hentsch, A. Hildbrand, ouvert du mer. au dim. de 14h à 19h © The estate of Dieter Roth
F. Joiris : jusqu’au 26/01/14 ® « Last Garden » Michel Blazy : lyon
® « All-In » Mohamed Bourouissa : jusqu’au 17/11/13 saint-louis
jusqu’au 01/12/13 ® Pierre Besson : 18/01 - 23/03/14 L’attrape-couleurs
® « Promenade Blanche / Weisse place Henri Barbusse - 69009 Lyon Fondation Fernet-Branca
Reise » Susanna Fritscher : delme tél. 04 72 19 73 86 (org. Frac Alsace)
25/01 - 11/05/14 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h 2 rue du Ballon - 68300 Saint-Louis
® « Exposition des œuvres de la Synagogue de Delme et dim. de 14h à 17h tél. 03 89 69 10 77
collection » 15/02 - 16/03/14 33 rue Poincaré ® « Passer » Nicolas Fouré : ouvert ts les jrs de 14h à 19h, sauf lun.
® « Exposition monographique » 57590 Delme jusqu’au 26/10/13 et mar.
Jean-Christophe Norman : tél. 03 87 01 35 61 ® « Hasta el Fin » Lola Gonzalez : ® « Pièces Montrées - Frac Alsace,
12/04 - 25/05/14 ouvert du mer. au sam. de 14h à 18h, jusqu’au 21/12/13 30 ans de collection » :
dim. de 11h à 18h, fermé du ® « Anarchisony#5 » Zoé Benoit : 20/10/13 - 23/03/14
bourges 21/12/13 au 03/01/14 11/01 - 01/03/14
® « Schizophonie » L. Abu Hamdan, ® Carte Blanche à Broadcast posters : sélestat
La Box L. Echakhch, S. Hayes, Hiwa K, 29/03 - 01/06/14
9 rue Edouard-Branly F. Leibovici, E. Simpson and B. White Frac Alsace
18000 Bourges (Open Music Archive), A. Piper, marseille 1 espace Gilbert Estève
tél. 02 48 24 78 70 The Otolith Group, Commissaires 67600 Sélestat
ouvert du mar. au sam. de 14 h à 18h, invités : Anna Colin et Sam Thorne : Frac Paca tél. 03 88 58 87 55
fermé les jours fériés 26/10/13 - 16/02/14 20 boulevard de Dunkerque ouvert du mer. au dim. de 14h à
® « Satisfaction-without-delay » 13002 Marseille 18h, fermé le 01/11/13 et du
A Constructed World & Speech and dijon tél. 04 91 91 27 55 23/12/13 au 01/01/14
What Archive : jusqu’au 16/11/13 ouvert du mer. au sam. de 10h à 18h ® « Pièces Montrées - Frac Alsace,
® Jean-Michel Sanejouand : appartement/galerie Interface dim. de 14h à 18h, nocturne un ven. 30 ans de collection » :
28/11 - 21/12/13 12 rue Chancelier de l’Hospital par mois jusqu’à 21h, fermé le lun. et 06/10/13 - 23/02/14
® « Projections animalières » 21000 Dijon les jours fériés
commissariat : Caroline Picard : tél. 03 80 67 13 86 ® « Ulysse » Hans Op de Beeck, strasbourg
16/01 - 08/02/14 ouvert de 14h à 19h Jean-Christophe Norman, Franck
® « Glissements de terrain. du mer. au sam. et sur rdv. Pourcel et Stéphane Le Mercier : Musée d’art moderne et
Cartographie, Pensée, Paysage » fermé les jours fériés jusqu’au 22/12/13 contemporain
proposition de Joan Ayrton : ® « Collapse(s) (et autres systèmes ® Eric Hattan : 31/01 - 04/05/14 (org. Frac Alsace)
17/02 - 19/03/14 déceptifs) » Jérémy Laffon : 1 place Hans Jean Arp
® « Ghost nature : Le fantôme de la jusqu’au 26/10/13 mulhouse 67000 Strasbourg
nature » commissariat : Caroline Picard : ® Sophie Dejode & Bertrand tél. 03 88 23 31 31
27/03 - 26/04/14 Lacombe : 07/12/13 - ../01/14 La Kunsthalle Mulhouse ouvert de 10h à 18h, fermé le lun.
16 rue de la Fonderie & les 01 et 11/11/13, 25/12/13
Yona Friedman, La Box, Février 2013. Entrepôt 9 - Galerie Barnoud 68100 Mulhouse et 01/01/14
© Jean Frémiot 9 Bd de l’Europe tél. 03 69 77 66 47 ® « Pièces Montrées - Frac Alsace, 30
21800 Quétigny ouvert du mer. au ven. ans de collection » :
brest tél. 03 80 66 23 26 de 12h à 18h, sam. & dim. de 14h à 05/10/13 - 09/02/14
ouvert les mer., ven. et sam. de 18h, fermé les 01/11/13, 25-
La Passerelle 15h à 19h et sur rdv 26/12/13 et 01-02/01/14
41 Rue Charles Berthelot ® « Ecritures » Henri Michaux, ® « sous nos yeux » partie 2, M. Akrim,
Quartier Saint-Martin Gil Joseph Wolman : G. Ciancimino, S. Dawood, N. Esber,
29200 Brest jusqu’au 21/12/13 P. Esquivias, P. Gomez-EgaHa, C. Henrot,
tél. 02 98 43 34 95 M. Larbi Rahali, Y. Rahmoun et
ouvert le mar. de 14h à 20h et du mer. guingamp O. Vilanova : jusqu’au 17/11/13
au sam. de 14h à 18h30, fermé dim., ® « Régionale 14 » exposition collective :
lun. et jours fériés Centre d’art et de recherche 29/11/13 - 12/01/14
® « Séries » Jugnet + Clairet GwinZegal ® « Tired of Reality » commissaire
® « L’intranquillité » Wilfrid Almendra (org. Frac Bretagne) Martha Kirszenbaum :
® « Moukimbi Moukengui » Marcos 3 rue Auguste Pavie 12/02 - 27/04/14
Avila Forero : jusqu’au 04/01/14 22200 Guingamp
® « le Musée Antidote » Florian tél. 02 96 44 27 78 Si vous souhaitez que vos
Fouché : 31/01 - 03/05/14 ouvert du lun. au ven. de 9h30 manifestations soient annoncées
® Cécile Paris : 31/01 - 03/05/14 à12h30 et de 13h30 à 15h30, dans l’agenda du prochain
® François Feutrie : 31/01 - 03/05/14 fermé le mer. numéro, une participation de
® Goldiechiari : 31/01 - 03/05/14 ® « Ligne de mire » Mathieu Pernot : 30 Euros minimum est demandée.
jusqu’au 24/11/13
Diffusion R-Diffusion : http://www.r-diffusion.org/

10


Click to View FlipBook Version